Petite fleur qui ensoleille le printemps, le coréopsis propose aussi de belles couleurs lumineuses pour les textiles.

J'ai déjà fait plusieurs expériences sur diverses matières, avec à chaque fois le même ravissement. Ce qui m'étonne toujours, c'est que des échantillons cuits dans le même bain, n'ont pas la même teinte ; les laines deviennent orangés là où soie et coton ne prennent qu'un magnifique jaune vif... mystère des alchimies entre fibres et substances colorantes!

Dans la majorité des cas, pour extraire le colorant de la plante, on monte à ébullition l'eau dans laquelle est est placée, puis on laisse frémir une heure avant de laisser refroidir le bain de teinture qui s'est formé.

Je m'étais rendue compte, en chauffant les fleurs de coréopsis, qu'il y avait en début de cuisson une belle couleur orange vif, mais qu'elle disparaissait pour un orangé plus éteint après une longue cuisson à ébullition. J'ai supposé qu'il en était pour le coréopsis comme pour la garance, qu'il y avait peut-être plusieurs colorants différents dans la plante, et qu'ils n'apparaissaient pas aux même températures.. peut-être que le beau orange vif presque 'fluo' se détruisait à trop haute température? Il me fallait le tester !

J'ai donc bien surveillé la température de mon bain de fleurs, l'orangé est apparu vers 80°, là, j'ai gardé un moment ce niveau, puis j'ai éteint le feu et laissé infuser les fleurs dedans jusqu'à refroidissement. Ensuite, j'y ai testé un petit écheveau de laine déjà mordancé, en remettant en cuisson jusqu'à 80° également.

Après refroidissement complet du bain, et rinçage de la laine, elle avait bien ce bel orange que je recherchais, bien plus vif que celui obtenu après une cuisson portée à l'ébullition, donnant une teinte plutôt 'moutarde' :

Et puisque le coréopsis semblait aimer les faibles températures, j'ai décidé de tenter une 'cuisson' solaire, histoire de voir....

Après deux jours de macération des fleurs au soleil dans un bocal d'eau de pluie, le bain avait déjà cette belle teinte orangée que j'aime voir... J'y ai ajouté un échantillon de laine et j'ai laissé au soleil encore quelques jours.

Le résultat, bien qu'un peu plus clair, est encore plus lumineux que le orange obtenu en cuisson à 80°:

Décidément, j'aime cette fleur, qui illumine nos jardins et bords de routes quand elle s'y est essaimée...

Qu'on la mordance à l'alun, au cuivre, au fer, on en obtient des teintes superbes!

Au fil des expériences réalisées avec des cuissons d'épluchures d'oignons, j'avais accumulé divers échantillons sur des toiles de coton, avec plusieurs essais de pliages et de ficelages, et des nuances variables de teintes orangées selon la quantité d'épluchures et la variété des oignons.

J'ai décidé de faire une petite nappe en patchwork, histoire d'utiliser tous ces essais.

J'ai refait une cuisson avec des bandes de toile destinées à faire le tour du motif de la nappe, en mettant peu d'épluchures car je voulais un orangé plus clair que les autres.

Quelques petites finitions plus tard, voici une petite nappe pour sortir boire un verre au jardin!

Je suis revenue d'un voyage aux Canaries avec un précieux petit sac de cochenilles séchées, achetée à une productrice de l'île de Lanzarote. L'occasion de faire plusieurs essais de teintures, sur laine, coton, soie, etc...

Les bains successifs m'ont offert des variantes de tonalité de rose, que j'ai eu envie de mêler à d'autres laines pour jouer à nouveau avec les matières. J'ai choisi d'organiser un tableau avec de l'orange d'oignon-cochenille, et du marron de noix.

Comme dans mes précédents ouvrages, bois flottés pour support, et une trace de laine brute dans le tableau pour servir de référence couleur... Et puis incrustations non plus de bois flottés mais de gousses de catalpa, histoire de changer!

Voici donc le résultat:

En tissant les brins de laine sur le premier tableau au cadre de bois flotté, me venaient toute sorte de nouvelles idées impossibles à mettre en oeuvre sur un seul panneau...

L'exploration continue donc avec d'autres morceaux de bois, d'autres mélanges de couleurs végétales.

J'avais pas mal d'écheveaux aux teintes jaune-vert, chacun ayant sa subtilité si on le frotte aux autres, mais pour autant, vus de loin, ils avaient l'air semblables. Pour saisir leurs nuances légères, j'ai choisi de les mêler sur un seul petit tableau.

Bien sûr, après ce voyage au pays des verts et jaunes, j'ai tenté un autre parcours, au pays des couleurs chaudes!

Peu à peu, je trouve mon chemin dans cette aventure de bois et laines mêlées. De nouvelles idées percent, mais j'ai choisi de garder plusieurs constantes à mon travail : des cadres en bois flotté, des morceaux inclus au sein du tissage, et des brins de laine naturelle non teinte pour servir de référence à la colorimétrie des autres brins qui eux, sont teints avec diverses plantes et divers mordants.

Expérience après expérience, j'ai réuni au fil des mois un joli stock d'échantillons de laines de diverses grosseurs teintées dans une belle harmonie de couleurs aux variantes subtiles, et je trouvais dommage de les laisser inutilisées...

Mais que faire d'échantillons de 100 grammes voire moins?

C'est en remettant le nez dans ma réserve de bois flottés que l'idée m'est venue de réaliser un panneau en tissage qui présenterait un panel de coloris sur un cadre en bois... J'ai choisi de partir sur quelque chose de très brut, et je ne savais pas très bien dans quoi je mettais les pieds!

Je voulais garder les bois tels que je les avais ramassés, ne pas avoir à les recouper, gardant toutes les blessures et cicatrices, autant que les rondeurs acquises après avoir roulé dans le lit des rivières. Pour le premier panneau, j'ai à peine ajusté les bois entre eux, utilisant chacune de leurs particularités, et je les ai liés avec des lanières de cuir.

Mon choix étant de réaliser quelque chose d'assez ''primitif'', j'ai juste tendu du cordonnet de coton entre les baguettes de bois, et je suis partie à l'aventure de ce tissage imprévisible, en me laissant guider par mon instinct.

Je n'ai rien prévu, rien dessiné, j'ai laissé mes doigts guider les laines, tantôt à l'aiguille, tantôt juste au doigt.

Petit à petit, les couleurs se sont mises à se répondre, à se poursuivre, et j'ai pris l'idée folle de leur donner matière à jouer encore plus... j'ai inséré des morceaux de bois flotté entre les fils de chaîne, comme des surprises pour le regard, mais aussi pour moi, en cours de travail, qui ai changé les lignes de mon tissage pour les enrober...

L'ouvrage fini en a immédiatement appelé d'autres... parce-que tant d'idées sont nées en cours de ce travail là, d'autres mélanges de couleurs, d'autres lignes et volumes... Il restera le premier, je l'ai nommé ''Forêt d'automne''.